Archello s'entretient avec le collectif de design de produits axé sur la matérialité, Tornasol Studio, dans une interview exclusive à la suite de leurs débuts globaux lors du salon Maison et Objet le mois dernier. Découvrez ci-dessous comment ce studio novateur redéfinit l'artisanat.
Veuillez décrire votre studio et votre philosophie.
Tornasol Studio, créé par la designer Inés Llasera et l'architecte Guillermo Trapiello, est un bureau de design de produits basé à Madrid. Ils intègrent des éléments ludiques et sensoriels dans leurs projets, sans pour autant négliger la fonctionnalité. Tornasol Studio est une pratique diversifiée axée sur la matérialité, la métaphore visuelle et l'expérimentation.
Quels sont les objectifs de Tornasol Studio ?
Nous aspirons à réaliser des projets dans lesquels des relations émotionnelles sont établies par le biais de la perception et des sens.
Qui ou quoi vous inspire, vous et votre travail ?
Nous travaillons avec des situations quotidiennes qui nous étonnent d'une manière ou d'une autre, en nous entourant de références populaires qui nous intéressent pour leur identité matérielle, leur pouvoir évocateur ou simplement pour leur valeur symbolique. Nous créons des projets basés sur des concepts ou des gestes très spécifiques, des détails et des expériences qu'ils recueillent dans leur environnement et qu'ils traduisent en objets quotidiens.
Comment abordez-vous la matérialisation dans vos projets ?
Nous travaillons beaucoup à partir de l'identité matérielle. Nous sommes très conscients des sensations générées par une matérialité ou une autre. Nous essayons d'approcher l'utilisateur par une communication directe à travers les qualités expressives, esthétiques et sémantiques des matériaux.
Compte tenu de la nature sur mesure de votre travail, tout ce que vous créez est-il fabriqué sur mesure ?
Nous avons notre catalogue de produits fermés mais nous faisons aussi beaucoup de services et de pièces sur mesure. En ce moment, nous travaillons aussi comme étalagistes et designers d'intérieur. Nous réalisons toujours des pièces sur mesure pour nos propres projets.
Ne travaillez-vous pas avec des clients particulièrement remarquables en ce moment ?
Oui, nous travaillons actuellement pour Hermès.
Décrivez les processus à l'origine de vos travaux les plus récents et la manière dont vous nouez des relations avec les fabricants.
Nous travaillons avec des artisans et nous voulons rendre visibles les processus de nos pièces car nous pensons que l'industrie conventionnelle a encore beaucoup de connaissances à intégrer dans sa propre logique de production. Avec des processus plus manuels, il est également très important dans la fabrication industrielle d'avoir un personnel qualifié qui s'occupe des détails et travaille côte à côte avec le designer.
La première année de TRADER a été une odyssée, nous sommes partis à la recherche de traders sans avoir beaucoup de références, en partie par nécessité et en partie par curiosité, en faisant presque du porte-à-porte dans les parcs industriels de la banlieue de Madrid. Le face-à-face est important car non seulement vous rencontrez la personne, mais vous voyez et comprenez aussi comment elle travaille, quels sont ses outils, si elle est ordonnée, si elle est curieuse...
Au début, c'était assez frustrant, la plupart des métiers que nous avons visités étaient dédiés à des travaux très spécialisés ou à des finitions pas très fines, cela arrive dans le monde du graphisme, il y a beaucoup de reprographes mais peu de bons imprimeurs. Au fil des années, nous avons rencontré de grands professionnels, des gens avec qui on apprend beaucoup, des artisans qui acceptent des travaux atypiques, qui aiment les défis et qui maîtrisent la technique.
Pour nous, l'artisanat implique une condition d'excellence dans l'exécution et le souci du détail, bien au-delà de la production standardisée. Il est également important de comprendre que l'artisanat du futur fonctionne avec des intrants qui vont au-delà du travail manuel et de l'atelier lui-même, nous pourrions l'appeler l'artisanat numérique : l'intersection entre l'artisanat traditionnel, la haute technologie et la pluridisciplinarité.
Par conséquent, cette façon de travailler est en train d'être redéfinie et nous pensons qu'il est important de laisser derrière nous la vision romantique selon laquelle, pour que quelque chose soit purement artisanal, il faut qu'il soit ultra-spécialisé ou qu'il n'y ait pas de machines impliquées.
Nous trouvons beaucoup plus intéressant de travailler à la frontière entre les traditions, l'expérimentation et la composition des connaissances, en mélangeant les technologies et les intérêts, loin de l'étiquette de ce que nous comprenons aujourd'hui comme l'artisanat.
En tant que studio en devenir, en quoi le fait d'avoir remporté le prix Maison et Objet Rising Talent a-t-il changé les choses pour vous ?
C'était une vitrine internationale très importante. Nous commencions déjà à travailler dans un contexte européen, mais exposer pendant le salon signifiait une vitrine au niveau global.
Le développement durable fait-il partie de vos préoccupations en tant que studio ? Si oui, comment l'abordez-vous dans vos designs ?
La durabilité est principalement présente dans notre processus de production, nous travaillons avec des artisans et des traders locaux. Et nous essayons de travailler avec des matériaux naturels, tant que le projet le permet.
Vos designs réimaginent des meubles qui ont fait leurs preuves. Comment réinventez-vous des designs aussi connus pour en faire quelque chose de nouveau ?
On peut toujours regarder l'archétype d'un point de vue nouveau. Nous vivons dans un monde où tout a été fait, mais où tout reste à faire.
