Dossier de presse – Le village intergénérationnel et solidaire du Clos des Vignes à Clermont-Ferrand, Studio Losa architectes
Studio Losa architectes et le Centre Communal d’Action Sociale de Clermont-Ferrand* portent avec conviction, depuis ses prémices, un projet intergénérationnel et solidaire ambitieux : le village du Clos des Vignes. Quarante logements et une salle polyvalente forment une cité-jardin nouvelle génération au nord-est de Clermont-Ferrand. Sur les anciennes parcelles de la cité Michelin de Chanturgue, elle héberge des personnes âgées autonomes et des populations issues du public social ou en situation de handicap. Utilisant le fort dénivelé du site, huit petits bâtiments s’installent parfaitement dans la pente comme un village contemporain, profitent des vues spectaculaires sur le Puy de Dôme et les Monts du Livradois-Forez inspirent de nouveaux modes de vie entre partage et intimité.
Élaboration du programme et insertion urbaine : la naissance d’un lieu
En 2013, les acteurs engagés du CCAS de Clermont-Ferrand imaginent un programme inédit : concevoir des logements pour une population vieillissante en créant une alternative à la résidence à domicile et à l’hébergement en EPHAD. Après avoir effectué des études approfondies auprès de la population locale, ils recensent différents besoins et priorités : assurer une politique d’accompagnement à domicile pour les personnes âgées tout en maintenant leur vie sociale, garantir l’autonomie et la solidarité entre les habitants, défendre leur qualité de vie tout en limitant les consommations énergétiques des logements pour atteindre un niveau passif.
Les services de la Ville ont par ailleurs souhaité développer la gestion domotique du parc de logements, facilitant ainsi la lisibilité des consommations, l’automatisation de certains équipements et s’assurer de la sécurité des personnes. Des prototypes ont été spécialement conçus et développés pour ce projet. Ils sont couplés à des tablettes qui offrent un accès direct à une plateforme CCAS pour les soins, les services et l’animation. À l’échelle urbaine, l’intention était de redynamiser ce territoire aux franges du centreville et reconquérir ces coteaux autrefois plantés de pommiers puis de vignes. Au nord, les maisons de l’historique cité ouvrière témoignent du passé social et industriel de la ville et créent une ambiance pavillonnaire compensée par une nature généreuse.
Au sud, le boulevard Mayer, amené à être requalifié, marque la limite avec le quartier de Champfleuri. Des commerces situés de part et d’autre et les infrastructures liées aux transports vont créer une dynamique naturelle entre quartiers. La maison pour tous prend place naturellement dans le bas du terrain, en lien avec cette centralité émergente. Agrandie d’un parvis, elle est propice à différentes manifestations, dédiées en priorité aux habitants du Clos. Le site bénéficie de deux atouts majeurs : son orientation et ses vues sur le grand paysage. Ils seront les guides du projet architectural et urbain.
Le programme est ambitieux : quarante hébergements, répartis pour moitié entre T2 et T3, dont trente pour des personnes âgées et dix logements pour des étudiants ou de jeunes couples affectés suivant différents niveaux de ressources*. Pour être parfaitement juste dans une volonté de mixité sociale, tous les logements et tous les espaces jardinés sont accessibles aux personnes à mobilité réduite. Cette dernière condition a été particulièrement difficile à mettre en place dans un terrain dont le dénivelé atteint 10% avec quinze mètres de différence entre le haut et le bas. L’intégralité du site étant hyper-adapté au handicap, 30% des locataires sont à mobilité réduite et ont choisi ce site en parfaite connaissance de cause.
Quand l’architecture se prête au paysage
Face à ces enjeux majeurs, « ou valeurs » comme aiment le préciser les architectes, ils imaginent un éco-quartier sous la forme de huit bâtiments comme un village. Chacun se répartit sur une ligne de pente, réglée au plus proche du terrain. L’histoire se retourne et la topographie, un temps envisagé comme une difficulté, devient la force du projet. Quatre lignes s’étagent dans la pente. Les « clos » formés de deux étages sont accessibles au nord par une coursive en caillebotis ou au sud directement par une terrasse privative. Chaque édifice surplombe celui d’en-dessous, offrant un cadre unique sans vis-à-vis pour chaque logement et des vues imprenables. Entre deux bandes construites, sur chaque palier ou restanque, des jardins partagés sous la forme de potagers. Accélérateurs incontestables de mixité et de sociabilité, ils sont déjà très investis par les habitants depuis leur arrivée et la période du confinement. Ils sont longés par des chemins accessibles PMR qui traversent le site et multiplient les promenades possibles. Tous convergent vers la grande diagonale du parc, une rampe qui relie directement les coteaux au parvis.
Tout autour, le parc de 4 000 m² est ouvert au public le jour et privé la nuit, proposant un espace sécurisé, et déjà, une polyvalence entre partage et intimité. Les ambiances sont multiples pour accueillir de nombreuses activités : prairie de détente, potagers, parvis, terrain de boules, place pour le repos et la contemplation. Les revêtements de sols sont choisis pour leur résistance et leur faible demande d’entretien : enrobé, béton sablé, stabilisé renforcé à la chaux ou barrette de basalte. La palette végétale, avec les mêmes critères, s’organise en strates de plantations basses et arbustives à partir d’essences indigènes. Les stationnements sont limités à deux poches, en haut et en bas du tènement, afin de garantir une parcelle totalement piétonne.
Glissé dans la pente, le projet est peu visible pour le voisinage et lui offre même de nouveaux cônes de vues. Vu du boulevard Mayer, il se veut démonstratif sans être ostentatoire, et porteur d’une dynamique précieuse et ambitieuse. L’insertion urbaine naturelle et très précise du Clos des Vignes a donné naissance à un lieu à part entière qui promulgue un nouvel élan pour la ville. Il inspire une dynamique de logements alternatifs et devient une référence unique en termes de conception intergénérationnelle et sociale. En phase concours, une réserve foncière pour un EHPAD s’installait à l’angle du boulevard et de l’allée des pêchers. Le projet abandonné laisse place à une grande prairie fleurie.
Un village de petites maisons, la conception du clos
La conception architecturale des logements est volontairement simple pour permettre la lisibilité et l’appropriation du projet par les usagers. Chacun est conçu comme une maison individuelle unique, en béton et en acier. Son organisation privilégie l’intimité de tous. Cinq bâtiments en R+1 comprennent entre quatre et dix logements chacun, et deux bandes de maisons intègrent chacune trois habitations en rez-de-chaussée. Tous les logements sont traversants nord-sud. À l’étage, l’entrée s’effectue au nord sous un porche couvert qui libère des extérieurs propices au confort d’été. Côté sud, tous possèdent une terrasse généreuse avec des vues dégagées sur le plateau de Gergovie, les Puys de la petite Limogne, le Puy de Dôme et le Livradois-Forez.
Plusieurs typologies sont proposées pour répondre aux différents scénarios envisagés par le CCAS. Les logements sont compacts avec une organisation simple et lisible et des espaces faciles à meubler. Pour les T2, les pièces de vie s’organisent au sud alors que les espaces servants (salle de bain, WC, celliers et cuisine) s’orientent au nord. Pour les T3, les chambres peuvent s’aligner avec le séjour au sud ou s’accoler et former une séparation jour / nuit plus traditionnelle. L’utilisation de parois mobiles multiplient encore les possibilités d’occupation de l’espace. Chaque appartement est unique grâce à son agencement et au choix de ses couleurs. Le mobilier le plus essentiel, celui des cuisines et salles de bain, a été dessiné par les architectes : éléments de cuisine avec plaques à induction, hotte, placards de rangement et meuble lavabo et miroir. L’appartement doit être accessible et utilisable « tout de suite et presque sans rien, juste avec un matelas pour dormir ». Tous les espaces sont généreux et les surfaces minimums requises pour l’accueil de personnes à mobilités réduites sont augmentées de 3 m² supplémentaires par appartement. Un soin particulier a été apporté au traitement des circulations et aux obstacles de toute nature afin d’effacer au maximum les ressauts et les bosses, permettant ainsi aux déambulateurs, fauteuils roulants et béquilles d’évoluer sereinement et confortablement.
Pour le volet environnemental, une isolation intérieure très performante garantit les exigences réglementaires thermiques et acoustiques. La chaudière à gaz collective est conçue pour évoluer progressivement vers des énergies vertes. Des panneaux solaires produisent l’énergie de la production d’eau chaude sanitaire. Les bâtiments de conception passive sont très basse consommation. Le parc et les jardins sont arrosés avec les sources découvertes et captées pendant le chantier.
Un projet construit autour du dialogue et de la culture du collectif
Le CCAS est un acteur public fonctionnant avec les budgets alloués par la collectivité, il est dénué d’objectifs de rentabilité. Studio Losa est une agence d’architecture sensibilisée et engagée depuis longtemps dans la production de logements sociaux et intergénérationnels. L’échange permanent et le dialogue entre les deux acteurs est à l’origine de cette collaboration fructueuse. Dès le concours, le projet est pensé comme un objet urbain collectif complexe avec de fortes contraintes : aucune possibilité de dépasser les délais (pour cause d’engagement de la collectivité), ni les budgets, répondre aux ambitions de basse consommation énergétique, à l’intégration urbaine du site et être au plus proche des besoins des locataires. Pour les concepteurs, le respect strict des engagements et la culture de l’enseignement, de la pédagogie et du dialogue ont été au cœur de cette réussite collective.
Le programme validé, le déroulement du chantier s’est également avéré délicat. Réalisé en dix-huit mois à peine, plusieurs entreprises intervenaient simultanément et progressivement dans la pente. Une équipe de management et un OPC sur place ont coordonné le travail de cinquante compagnons sur le site avec neuf bureaux d’études différents. Tous les partenaires ont travaillé conjointement à la réussite du projet.
Depuis la livraison du projet en février 2020 et l’arrivée des locataires, la vie du Clos des Vignes est assurée par une animatrice à plein temps sur le site, ce qui est unique. Par la juxtaposition de tous les thèmes traités et la façon dont le CCAS le valorise dans son offre, l’animation fait partie intégrante du cahier des charges de ce type de projet. Elle est rarement aussi bien réalisée que sur ce site. L’animatrice prend en charge les responsabilités logistiques, la cohésion entre les habitants, la dynamique collective et assure le relai avec le personnel soignant. Elle est également l’interface entre les concepteurs et les usagers. Porteuse de la réalité du projet, elle rend cet imaginaire collectif tangible.
En arrivant au Clos des Vignes, les locataires adhèrent et signent une Charte du vivre ensemble pour participer à la « bourse sociale des services » pour se rendre service mutuellement (gardes d’enfants, aides aux devoirs, aides à domicile, etc.). Le sentiment d’appartenance et l’identité collective sont fortes, elles ont été transmises des concepteurs et maîtres d’ouvrage aux habitants. À travers une architecture qui ne se veut pas démonstrative mais trouve sa place juste dans un site, un paysage et dans la ville, les concepteurs invitent à un nouveau processus de conception du projet et bouleverse les codes habituels du vivre-ensemble.