Les Bains font figure de mythe tant dans l’histoire des bains publics de la fin du XIXe siècle que dans la légende des nuits parisiennes des eighties. Son imaginaire collectif est ainsi hanté par Marcel Proust, Mick Jagger, Jean-Michel Basquiat ou Andy Warhol mais aussi de films d’Eric Rohmer et de Roman Polanski. Auréolé d’un tel passé, son projet de rénovation-reconversion devait être inattendu, original, audacieux et expérimental.
En charge de l’aménagement intérieur de tout le rez-de-chaussée (entrée, bar, restaurant La salle à Manger, salon privé Le Réservoir et patios), RDAI a fondé son intervention sur le télescopage des époques. Nourrie des périodes antérieures, sa vision contemporaine retisse avec délicatesse le lien entre héritage et présent. Incontournable mais subtile, l’évocation première de l’eau — à l’origine des Bains Douches — s’enrichit de la souvenance du métissage et de l’éclectisme cosmopolite des clubbers mais aussi des musiques et cultures qui s’y brassèrent durant des décennies.
Le sol reconstitue ainsi l’histoire en pointillé : l’arabesque florale originelle du vestibule se dissout à mesure que l’on avance dans le restaurant où elle se mue en un damier noir et blanc qui à son tour se trouble — comme inondé — par pixellisation. Matériau des plus simples, la mosaïque se métamorphose en un motif final bien plus complexe qu’il n’y paraît.
Comme par condensation, la voute en croix commune au bar et à la Salle à Manger semble perler de gouttes d’eau géantes figées dans la laque écarlate qui — solidaire des colonnes et de leur chapiteau évasé — fait écho au passé théâtral et festif de la première renaissance des lieux dans les années 1980.
L’exécution de ces formes organiques — invoquant davantage les temps jadis du thermalisme — a exigé le recours à une technologie des plus actuelle. Achevé in situ, le plafond moulé à double courbure est partiellement perforé pour parfaire ses qualités acoustiques. Il permet aussi de dissimuler tous les équipements techniques (sonorisation, éclairage, climatisation et sécurité) indispensables au confort des invités.
La réflexion d’ensemble et le souci du détail participent d’une même vision exigeante de la part de RDAI pour immerger Les Bains dans notre époque sans pour autant renoncer à la richesse de son histoire.
