Projet fondateur pour notre agence, ce lieu de concert et restaurant au Vidigal est un projet atypique à plus d’un titre. Perché au sommet d’une favela, une situation qui le rend difficile d’accès mais lui confère une vue imprenable sur Rio, l’extensionrénovation du bâtiment existant nous a amené à rebattre les cartes de la mission classique d’architecte.
Le projet a en effet été construit autour des différents acteurs de la construction :
le client et ses contraintes économiques - ce sont les recettes générées par le lieu
qui permettent la poursuite de ses travaux, d’où un budget instable et un chantier
en plusieurs phases - et les entreprises locales en prenant en compte en amont leur savoir-faire et les possibilités d’approvisionnement de matériaux.
Il en résulte une structure poteau/poutre en acier et modules de prédalles, la
réutilisation des aciers à béton devenant grilles de faux-plafond ou supports de
végétation, et des matériaux bois et brique provenant de fournisseurs de la favela.
Ces matériaux ordinaires, largement présents dans les constructions alentours,
prennent une dimension plus précieuse dans leur mise en oeuvre (calepinage de
la brique, travail du bois à claire-voie) et donnent au lieu ce caractère particulier
d’équipement.
L’extension s’étend en-dessous et au-dessus du seul niveau existant à l’origine,
comme une accumulation de dalles en proue sur l’océan. Une pergola réalisée
en poutres acier accueille la mise en lumière, les protections solaires, le mobilier
suspendu et vient recouvrir l’ensemble du bâtiment pour lui donner une unité.
L’évolution du quartier Vidigal, comme celle des plusieurs favélas du centre ville, est intimement liée aux récentes transformations de Rio. Ces territoires qui ont fait l’objet de tensions durant des décennies ont bénéficié de l’essor économique des années 2000 et des événements sportifs de grande envergure que furent les jeux olympiques et la coupe du monde de football. Avec la création des dites «unités de pacification» (UPP), elles ont vu des entreprises se développer sur leurs hauteurs, et le Vidigal, de par sa position exceptionnelle à côté des plages d’Ipanema et du Leblon, est devenu une des vitrines de ce mouvement. Dans ce contexte, le projet de restructuration et d’extension de cette salle de concert participe à la transformation du regard sur la favéla, autrefois considérée comme infréquentable, en tant que nouveau lieu de vie.
Lieu initialement constitué d’une unique terrasse, accessible depuis la rue par une porte en bois coincée entre un garage et une maison, le programme visait à la fois à donner une meilleure visibilité au bâtiment depuis la rue et à augmenter sa surface par l’acquisition de plusieurs immeubles accolés.
L’extension s’est ainsi faite en trois temps : agrandissement du rez-de-chaussée et restructuration de l’entrée en récupérant la surface d’un ancien garage tout d’abord. Puis extension aux niveaux -1 et -2 avec une salle de restaurant-bar à l’abri des intempéries, des toilettes et espaces de stockage. Enfin, l’acquisition d’une maisonnette au niveau +1 a permis la création d’une nouvelle terrasse supérieure tournée vers le paysage. La connexion par un nouvel escalier permettant de relier les volumes auparavant séparés par des accès situés sur des rues différentes.
Les recettes générées par les étages inférieurs permettaient au client de refaire progressivement les deux étages supérieurs. Cette transformation par étapes successives a impliqué une adaptation constante du programme ainsi qu’une évolution du projet liée à sa propre expansion.
Une nouvelle structure métallique recouvre ainsi l’emprise des nouveaux étages, en créant des plans libres qui peuvent s’adapter à d’autres fonctions dans l’avenir. Au rez-de-chaussée, un volume en bois accueille la caisse, le local déchets et les toilettes en retrait, puis le lounge et le bar, en libérant le reste de la surface aux circulations, tables et espace de concert. Un escalier se superpose à celui qui donne accès aux étages inférieurs, en complétant l’axe vertical qui relie les quatre étages auparavant séparés. Au premier étage, la maisonnette est remplacée par un bar qui divise la terrasse entre un lounge à l’arrière et une terrasse tournée vers le paysage côté océan.
Les difficultés inhérentes au contexte de la favela se sont traduites par le choix d’une structure métallique en petits modules assemblés sur place et à l’utilisation de matériaux déjà présents dans la communauté tels que la brique, la maille métallique, le bois et les palettes travaillées par des ouvriers locaux. Dans la façade et à l’étage, des briques pleines alternent avec des briques cassées, en rendant la texture des murs vivante par des jeux des ombres. Le calepinage s’adapte selon les fonctions, l’absence des briques cassées permet l’éclairage et la ventilation naturelle ou encore le retournement des briques pleines à 90 dégrées devenant supports des bouteilles du bar.
Des mailles métalliques sont employées sur la façade et les plafonds comme support de divers éléments. Dans la façade, des palettes en bois recyclées s’insèrent dans la double maille métallique, tantôt utilisées comme vases pour des plantes grimpantes lorsqu’ils sont tournés vers le haut, tantôt comme lampes lorsqu’ils sont tournés vers le bas.