Intervenir dans l'un des bâtiments les plus emblématiques du modernisme de l'Eixample de Barcelone, inscrit au Catalogue du patrimoine architectural, aurait pu être une occasion inégalable d'affronter le processus avec une attention particulière à sa préexistence, à sa mémoire et aux exigences du client. Il s'agit de la Casa R. Sala, conçue en 1906 par l'architecte Domènec Boada et commandée par Francesc Cairó.
Malheureusement, la situation dans laquelle nous nous trouvions était dramatique. Les éléments constructifs et décoratifs qui ont magnifié l'ère architecturale du modernisme avaient complètement disparu à la suite d'une réforme effectuée au début des années 1980.
Des sols en carreaux hydrauliques, des plafonds en roseau avec moulures, des ouvertures vers l'extérieur (y compris la galerie qui mène au patio intérieur), et enfin de la distribution fonctionnelle, il n'y avait plus aucune trace, même des proportions des pièces. Les fenêtres ont été modifiées pour s'adapter à la réforme précédente, les seuls éléments originaux qui subsistent sont les fenêtres en verre coloré qui donnent sur le patio intérieur de la communauté où se trouvent les escaliers et l'ascenseur.
Ce scénario nous a fait réfléchir à un changement paradigmatique dans la typologie distributive typique des maisons de l'Eixample, où les différents dessins de l'étage constituent la distribution des pièces intérieures.
Les clients ont été les premiers à accepter le changement avec une prédisposition louable, ce qui nous a permis de pousser la nouvelle proposition typologique à l'extrême. Cette proposition envisage la disparition du long et étroit couloir de distribution (très typique dans les logements de l'Eixample) en transformant le plan en un espace continu dans lequel toutes les fonctions publiques du logement sont incluses sans renoncer au programme fonctionnel établi (deux salles de réunion, salon, cuisine, salle à manger, bureau).
Depuis la porte d'entrée, on accède directement à ce noyau, complètement ouvert sur les espaces qui l'entourent, sans portes, un espace public continu, annulant ainsi le hall d'entrée.
Les murs disparaissent et se transforment en une série d'armoires et de portes qui mènent aux chambres (1 chambre de suite et 2 chambres individuelles), aux toilettes pour les invités et au local technique.
Cet espace complètement ouvert communique avec la maison sur l'axe nord-sud et capte le maximum de lumière naturelle qui peut être apportée dans le volume, puisque toutes les fenêtres sont tournées vers lui.
La cuisine a été réalisée en acier inoxydable brossé, en utilisant les reflets de ce matériau pour pouvoir l'imiter et dématérialiser sa présence dans l'espace continu.
Pour équilibrer l'effet "froid" généré par l'acier, la présence du bois a été continuellement travaillée, aussi bien dans la composition des armoires que dans leurs poignées, dans les fenêtres et dans le mobilier.
La structure des dalles, composée de poutrelles métalliques et remplie de voûtes en céramique entre elles, n'a pu être récupérée qu'en correspondance avec la zone du salon.
Le reste de la structure des dalles a été revêtu de plaques de plâtre, maximisant ainsi la hauteur intérieure de la maison (3,05 m). Certaines coupoles ont été placées sur les plafonds des chambres dans le but de ré-enrichir la beauté perdue des plafonds en roseau manquants avec des moulures.
Pour les sols, un micro terrazzo continu a été combiné pour l'espace public et du bois massif pour les chambres. Les éviers ont été réalisés en micro-mortier.
Tous les murs ont été traités avec un revêtement naturel à base de marbre et de chaux (marmorino).
Les installations ont été soignées d'un point de vue énergétique en adoptant une pompe à chaleur aérothermique, afin de produire de la chaleur (chauffage par le sol), du froid (conduits d'air) et de l'ACS.
L'éclairage artificiel est contrôlé par un système domotique qui règle automatiquement l'intensité et la couleur de la lumière en fonction des heures de la journée et des saisons de l'année.
Des matériaux nobles ont été utilisés tout au long de l'intervention, afin de redonner de la dignité à l'habitation dans un contexte aussi exclusif que celui du modernisme.
