§1 - l’achèvement d’un contexte
Le projet se situe à Vuissens, village reculé du canton de Fribourg, à l’identité rurale. Le programme est ordinaire : une maison pour une jeune famille, dans un quartier de villas assez banal. Ce type de projet devient malgré tout une exception, devant la rareté des terrains à bâtir et les enjeux écologiques auxquels l’aménagement du territoire doit faire face. Ici, la parcelle est effectivement la dernière disponible du quartier, et s’étend jusqu’à la lisière de la forêt. Comment donner une réponse architecturale qui achève ce quartier d’habitations conventionnelles, s’ouvre vers une forêt mystérieuse, et offre la meilleure qualité possible pour ce programme en péril ?

§2a - le programme et les espaces
La maison s’implante dans la longueur du terrain disponible, mais s’oriente de façon à s’affranchir des limites parcellaires. Par là, elle se distingue des maisons avoisinantes, afin d’obéir plutôt à une réalité physique qui l’attire : la forêt. Véritable polarité, la forêt donne sens au projet. La maison s’étire jusqu’à elle, en suivant la topographie naturelle du terrain.

§2b -
Aux abords de la maison, c’est d’abord la massivité du béton qui marque, afin d’exprimer une mise à distance souhaitée avec le contexte bâti. En même temps, l’entrée de la maison nous attire, éclairée d’une faille de lumière à travers le couvert sombre. Depuis un petit perron couvert, on accède au hall d’entrée. Compact, celui-ci dessert une salle-de-bain visiteurs, l’escalier vers le sous-sol, et l’escalier vers l’étage. On découvre ensuite la cuisine à laquelle on accède en descendant deux marches, dictées par la topographie du terrain. L’espace prend de la hauteur et s’élargit avec l’espace de vie principal. Le regard est alors saisit par la présence de la forêt qui baigne l’espace d’une atmosphère végétale, grâce à la large baie vitrée. Celle-ci se compose de vitrages toute hauteur, et les larges montants en chêne font écho à la verticalité des troncs d’arbres. La séquence spatiale s’achève, toujours en descendant, dans la loggia qui s’ouvre sur toute la hauteur du volume. Cet espace extérieur offre à la fois une intimité et une ouverture, en vis à vis avec la forêt. Le sentier qui y pénètre entraîne mystérieusement notre regard.

§2c-
A l’étage, on ressent véritablement la longueur du projet grâce au mur central qui file du nord au sud. Ouvert de chaque côté, le large corridor relie une extrémité de la maison à l’autre. Côté Nord, la vue s’arrête sur le mur pignon en béton. Ce dernier fournit l’intimité nécessaire pour le second espace extérieur du projet : une large terrasse en bois à ciel ouvert, où l’on ressent la chaleur du soleil retenue par le béton. A l’opposée du corridor, on retrouve la forêt, cadrée par une large ouverture dans le béton, dont on découvre alors le sens.

§3 - construction, pragmatisme et vérité constructive
La construction est imprégnée du vocabulaire constructif rural, dont on trouve des exemples à quelques mètres du projet. Un hangar en briques, un poulailler simplement couvert d’une tôle … mais c’est surtout le pragmatisme de l’architecture vernaculaire qui inspire le projet. Ainsi, le plan est simple, la construction orthogonale. Les fenêtres sont placées et dimensionnées selon les besoins de lumière. L’espace de vie principal nécessitant plus de lumière, la couverture de la loggia devient une tôle translucide. Les plans de travail en acier inoxydable offre une plus grande fonctionnalité. La toiture est désaxée afin de reposer ses charges sur le mur porteur de l’étage. Ce sont donc les besoins intérieurs avec des raisons pragmatiques qui composent les espaces et les façades, loin d’une expression purement formelle ou esthétique.
Le choix des matériaux est guidé lui aussi par le pragmatisme vernaculaire. Le béton renvoie à une solidité, capable de faire face aux intempéries et de protéger l’habitant de façon durable. Il constitue ainsi la première enceinte du projet : une coque qui accueille à la fois la maison chauffée et les espaces extérieurs privatisés.

La brique complète l’enveloppe extérieure pour signifier la partie chauffée de la maison, grâce à son échelle plus domestique. On la retrouve à l’intérieur pour ses capacités porteuses. Elle établit alors une continuité chère au projet entre l’intérieur et l’extérieur.
À l’image des constructions rurales, la mise en oeuvre est sobre, avec un nombre de couches limité. La monocouche isolante se monte comme un mur en briques et se passe d’un pare-vapeur, grâce à sa capacité de diffusion de l’humidité. Au rez-de-chaussée, la dalle active en béton poncé est l’unique couche, à la fois revêtement, système technique de chauffage et structure porteuse. À l’étage, des revêtements boisés fabriquent le sol et le plafond. Afin de les distinguer des éléments porteurs et d’assumer leur rôle de revêtement, ils sont mis en oeuvre avec des joints négatif. Chaque détail découle d’une recherche de vérité constructive, dernier aspect qui inscrit le projet à la tradition constructive vernaculaire.

