Lors de sa conférence de presse en Conseil des Ministres le 17 avril dernier et concernant le futur concours international pour la réhabilitation de la cathédrale de Notre Dame de Paris, notre Premier Ministre Edouard Philippe a émis le souhait que le futur projet devrait être « adapté aux enjeux de notre époque ». Dans le même temps, plusieurs architectes de renom ont pris la parole dans les médias et ont donné quelques analyses et réponses architecturales à cette tragédie : une flèche de cristal et une couverture en titane pour certains, une reconstruction à l’identique pour d’autres. Le débat entre modernes et anciens est lancé. La phase de diagnostic sera longue. En attendant la consolidation de l’édifice et le verdict quant au mode d’intervention choisi, nous souhaitions apporter, en tant que professionnels de l’architecture, quelques éléments de réflexion pour alimenter le débat naissant qui nous l’espérons, se fera de manière « citoyenne ».
Et si face à ce drame, la restructuration de Notre Dame de Paris s’inscrivait dans une démarche environnementale, éducative et d’intégration sociale ? Sur ce brasier et dans la période de crise que le pays et le monde traversent actuellement, une chance nous est offerte de construire un lieu de référence où s’entremêleraient conservation, enrichissement d’un patrimoine exceptionnel et prise en compte des enjeux de sociétés en matière d’écologie et d’égalités des chances. Protéger le vivant, réintroduire la biodiversité, éduquer les consciences et être solidaire, sont autant de symboles, fidèles aux valeurs de la France et à celles de l’église, que nous pourrions défendre et valoriser pour ce chantier. Pour que la future Notre Dame ne devienne pas une simple représentation anachronique ou une démonstration purement plastique, il nous faut éviter l’écueil esthétique et accepter le triste destin de cet édifice éminemment tourné vers l’humain. Depuis le 12e siècle, des femmes et des hommes ont donné leurs vies à la construction de cet ouvrage remarquable, reconstruisons en leur honneur cette grande dame de la façon la plus humble qui soit. Bâtir une nouvelle cathédrale ancrée dans son époque, tournée vers l’avenir et représentant les enjeux de notre époque à travers quelques axes de réflexion : • Le travail de la terre comme élément fédérateur du sacré et du vivant. Permettre la réinsertion professionnelle des plus démunis par l’apprentissage de l’agriculture urbaine, l’horticulture et la permaculture grâce à la création d’une serre. Reconnecter nos enfants à la nature et les éduquer grâce à des ateliers pédagogiques organisés au sein de cette même serre. • Les abeilles, travailleuses insatiables, en hommage aux bâtisseurs de la cathédrale.
En référence aux ruches qui ont survécu à l’incendie et dans le but de réintroduire du « vivant » à Paris, nous pourrions produire le fameux « nectar des dieux » au coeur de la nouvelle flèche devenue rucher. Là encore, la réinsertion professionnelle est envisagée grâce à la formation d’apiculteurs à même de produire demain et à grande échelle « le miel de Notre Dame de Paris ».
• Faire des stigmates de l’incendie une force et rebâtir à partir des cendres. La charpente en Chêne qui a brûlé, surnommée « la forêt », sera réutilisée afin de créer l’ensemble des jardinières et des aménagements présents au sein de la serre. C’est là le symbole de l’acceptation du cours de l’Histoire et l’illustration métaphorique que cette « forêt » devenue bois brulé, puisse servir de berceau à la nouvelle. • Respecter la silhouette originelle de l’édifice et les différentes figures qui l’ont habité. A l’image d’une couronne royale, légère et ajourée, la flèche ainsi que la future couverture sont imaginées en structure d’acier de teinte dorée et remplies en panneaux de verre, l’ensemble respectant l’ordonnancement initial des toitures. La douzaine de statues de la flèche d’origine seront quant à elles replacées après leur restauration, au sein même de la serre pour veiller sur cette dernière. Notre démarche vise simplement à alimenter le débat quant au devenir de Notre Dame de Paris.
Nous suggérons un angle de vue un peu différent, peut-être plus universaliste et moins axé sur le choix d'une réponse architecturale plutôt qu'une autre. Mettre en évidence le fait que l'architecture contemporaine a un vrai rôle social à jouer si elle se met à l'écoute de la société et des enjeux à prendre en considération pour les prochaines décennies. L'architecture devrait à notre avis, s'exprimer avec une certaine empathie dans son approche des projets, mais aussi de l'Humain pour lequel elle construit. Elle ne devrait pas se résumer au résultat d'un geste, ni à une expression formelle ou technologique, ni à la mise en valeur d'une simple matérialité. Notre patrimoine historique dont fait partie Notre Dame est le garant de notre histoire à tous et à celle des générations futures. Quel héritage voulons-nous laisser à nos enfants ? Qu'est ce qui pourrait devenir aussi sacré que nos croyances en nos religions, la nature ? le respect d'autrui ? Ce sont, nous croyons, les questions principales que soulève notre réflexion...